Lesotho : RSF condamne le meurtre d’un journaliste d'investigation qui dénonçait la corruption locale

Le journaliste Ralikonelo Joki, connu pour ses enquêtes sur des affaires de corruption au Lesotho, a été abattu de sang froid alors qu’il quittait la station de radio T’senolo FM. Reporters sans frontières (RSF) condamne ce meurtre et appelle les autorités à identifier et poursuivre les responsables.

Que sait-on du crime odieux dont a été victime le journaliste Ralikonelo Joki ? Il est environ 22 heures, dimanche 14 mai, lorsque l’animateur de l’émission d’actualité "Hlokoana-La-Tsela" (“je l’ai appris par la rumeur”) prend sa voiture pour quitter les studios de la station de radio privée Ts'enolo FM, située à Maseru, la capitale du Lesotho. Alors qu’il s’apprête à s’engager sur la route, des coups de feu retentissent. Le professionnel de l’information de 44 ans sera retrouvé mort quelques instants plus tard, le corps criblé d’au moins sept balles, dont une dans la tête. Selon les informations recueillies par RSF, les tirs provenaient du côté conducteur et du côté passager. Leur précision atteste que l’opération a été soigneusement planifiée.

L’assassinat de Ralikonelo Joki est une nouvelle glaçante et alarmante quant à l’état de la liberté de la presse au Lesotho. Nous condamnons fermement cet acte sauvage à l’encontre d’un journaliste qui effectuait son travail de manière indépendante dans un paysage médiatique très polarisé. L’enquête ouverte doit être impartiale et permettre d’identifier et de sanctionner les auteurs.

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Dans son émission, Ralikonelo Joki dénonçait régulièrement les pratiques de corruption de l’ancien gouvernement. Depuis environ deux mois, il enquêtait également sur une affaire de corruption foncière impliquant des entreprises privées. Le journaliste, qui a rejoint la radio en mars 2020, faisait fréquemment l’objet de menaces postées sur Facebook provenant de comptes anonymes. Des rumeurs l’y avaient même déclaré mort au cours des derniers mois. Des attaques parfois directes, à l’instar de celles formulées à son encontre, en début d'année, par le leader du Parti national Basotho (BNP), membre de la coalition au pouvoir jusqu'en octobre 2022. L’homme politique s’en était directement pris au journaliste dans un post Facebook repris par ses partisans, qui avaient menacé Ralikonelo Joki de “s’occuper de lui”.

Selon Teboho Khatebe Molefi, le président du Forum des éditeurs du Lesotho, le journaliste était préoccupé par toutes ces menaces, mais continuait d’exercer “avec bravoure”. Mshengu Tshabalala, le directeur de la station de radio, décrit un homme “rigoureux, très respecté et populaire auprès du public”. Il sera enterré le 3 juin.

Une enquête de police a été ouverte mais aucune arrestation n'a eu lieu pour le moment. Afin de lutter contre la criminalité dans le pays, un couvre-feu d’une durée indeterminée a été institué deux jours après l’assassinat du journaliste. 

Ce meurtre d’un professionnel de l’information est inédit au Lesotho. Ces derniers sont toutefois régulièrement victimes de campagnes d’intimidation, et recourent fréquemment à l’autocensure. Les pressions à leur encontre se sont par ailleurs intensifiées ces dernières années. En novembre 2021, un journaliste a notamment été torturé et asphyxié avec un sac plastique après avoir publié un article sur un vol d’armes. L’année précédente, la police avait tiré sur une journaliste et arrêté arbitrairement plusieurs de ses collègues lors d’une manifestation.

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