Togo : le média d'investigation emblématique L’Alternative reprend ses activités avec le soutien de RSF

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Le journal d’investigation togolais L’Alternative reprend ses activités. Après un arrêt de plus d’un an et le départ forcé du pays de son directeur et de son rédacteur en chef, une version en ligne est désormais disponible avec le soutien de Reporters sans frontières (RSF) dans un contexte d’attaques sans précédent contre les médias au Sahel.

C’est une date importante pour la liberté d’informer et la pluralité du paysage médiatique au Togo : ce 7 mars 2024, après un an d’interruption, avec un site Internet relooké et plus sécurisé, le journal d’investigation togolais L’Alternative prend un nouveau départ, grâce à une bourse de  soutien de RSF,  pour présenter à ses lecteurs de nouvelles enquêtes. 

La parution de ce média d’investigation phare s’était arrêtée en mars 2023 quand ses responsables ont été obligés de quitter le pays, peu avant que soient prononcées de lourdes peines de prison ferme et qu’un mandat d’arrêt international soit émis à leur encontre. Le journal avait continué de paraître malgré l’emprisonnement de ses responsables en décembre 2021 pour “outrage à l'autorité” après une émission d’enquête diffusée sur Youtube.

Le journalisme d’enquête est nécessaire pour diffuser des informations que certains gouvernants souhaitent cacher. Le courage des journalistes d'investigation favorise le droit à l’information, comme le démontre L'Alternative qui a joué un rôle important pour cela au Togo. Il était primordial que ce journal d'investigation continue à exister, c’est pourquoi RSF a décidé de contribuer à sa relance afin qu’il puisse reprendre sa place et sa renommée dans le paysage médiatique.

Sadibou Marong,
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

À sa création le 10 avril 2008, le journal est un bi-hebdomadaire. Une version en ligne est ensuite créée pour être accessible à un plus grand nombre de lecteurs. À l’origine du journal, il y a le journaliste d’investigation togolais Ferdinand Ayité, rejoint par son confrère Isidore Kouwonou qui assure la rédaction en chef. 

Avec sa dizaine de journalistes, la rédaction s’attelle à réaliser des reportages fouillés et à publier plusieurs enquêtes. Dans le cadre du projet  Swissleaks, le journal met à nu, dans une enquête, la fuite des capitaux togolais à l'étranger notamment en Suisse en 2012. Trois ans plus tard, dans le cadre des Panama Papers, L’Alternative révèle, en collaboration avec le journal français Le Monde, les complexes circuits financiers utilisés par deux hommes d’affaires étrangers propriétaires d’une cimenterie à laquelle un ancien Premier ministre était actionnaire. En 2020, l’enquête sur le “scandale d’État” dans les commandes de pétrole au Togo dénommé Petrolgate avait ému l'opinion publique togolaise.

La succession de révélations et d’enquêtes a mis L’Alternative et sa direction dans le viseur des autorités dont la Haute Autorité de la communication (HAC), qui l’a plusieurs fois suspendu. Les sanctions administratives, les poursuites judiciaires et la surveillance se sont poursuivies contre le journal et les journalistes restent sous le coup d’un mandat d’arrêt international  

Un nouveau départ 

Mais le combat pour une presse libre et indépendante continue d’animer l’équipe de l’Alternative. Alors que Ferdinand Ayité est désormais basé à Paris, son rédacteur en chef Isidore Kouwonou s’est installé à Dakar la capitale sénégalaise d’où la rédaction sera désormais animée avec “le même engagement qu’au départ",  explique-t-il, toujours entouré d’une dizaine de collaborateurs dont certains basés au Togo. 

“C’est l'amour que nous avons pour notre pays et la passion pour ce métier qui nous maintiennent debout malgré cette épreuve. Nous maintenons la flamme même après un an d'absence,” confie le rédacteur en chef Isidore Kouwonou. 

Avec la reprise, le journal va continuer ses investigations. “Nous sommes actuellement en train de préparer une enquête sur la corruption dans l'exploitation des phosphates au Togo et une investigation sur la famille Gnassingbé qui dirige le Togo depuis 58 ans. Ce sera la première enquête qu’on publiera sur le nouveau format du site,”  ajoute–t-il.

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