Gabon : RSF reste vigilante quant aux annonces du nouveau régime faites aux médias après le coup d’Etat

Le général putschiste Brice Oligui Nguema, à la tête du nouveau régime, a annoncé ses intentions d’aider “la presse à faire son travail”. Au lendemain de son investiture, Reporters sans frontières (RSF) publie dix recommandations pour le respect effectif de la liberté de la presse dans le pays.

Trois jours après le coup d’État du 30 août ayant renversé Ali Bongo Ondimba le jour même de sa réélection, le général putschiste Brice Oligui Nguema a reçu les acteurs de la presse au palais présidentiel. Les journalistes issus des médias publics, privés et internationaux ont échangé avec le nouveau régime qui a annoncé vouloir aider la presse à “faire son travail” en ouvrant l’accès aux sources officielles, en aidant la presse d’État et en leur remettant, pour usage professionnel, une partie des véhicules récupérés auprès d’anciens militaires.

Cet échange envoie un signal aux médias qu’il s’agit de concrétiser. RSF reste vigilante quant aux annonces du nouveau régime après le coup d’Etat. L’organisation émet dix recommandations pour le respect de la liberté de la presse au Gabon, essentiel dans ce moment charnière que traverse le pays.

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

L’élection présidentielle du 26 août s’est déroulée en l'absence de médias étrangers, interdits d’entrée sur le territoire par le gouvernement d’alors. Durant les trois semaines précédant le scrutin, les autorités gabonaises n’avaient accordé aucune accréditation aux journalistes internationaux qui en avaient fait la demande. L’accès à internet avait été suspendu sur l’étendue du territoire le jour du scrutin et la diffusion des médias français France 24, RFI et TV5 Monde avait été interrompue. Dans un communiqué, l’organe de régulation, la Haute autorité de la communication (HAC), leur reprochait un “manque d'objectivité et d'équilibre dans le traitement de l'information en lien avec les élections générales en cours". Les trois médias suspendus et l’accès à internet ont été rétablis par les putschistes le 30 août au soir, après l’annonce, à la télévision nationale, de l'annulation des élections, de la dissolution de "toutes les institutions de la République" et de la "fin du régime".

 

Les dix recommandations de RSF pour que les autorités de facto au Gabon s’engagent à respecter la liberté de la presse : 

  1. Garantir un accès aux sources officielles du nouveau régime pour tous les journalistes du pays, particulièrement les journalistes indépendants ;
  2. Rendre transparent, accessible et inclusif le processus d’accréditation pour les journalistes de presse étrangère, en communiquant sur le nombre d’accréditations délivrées et en justifiant objectivement celles qui sont refusées ;
  3. Permettre aux journalistes dont les accréditations ont été refusées de déposer à nouveau une demande ; 
  4. Condamner systématiquement et publiquement les attaques contre les journalistes et assurer l’ouverture d’enquêtes pénales pour que leurs auteurs soient identifiés et poursuivis ;
  5. Mettre un terme aux intimidations dont sont victimes les journalistes, notamment au travers de convocations par des services de sécurité ;
  6. Mettre un terme aux suspensions arbitraires de médias qui se sont multipliées ces dernières années. 

Et considérer, à moyen terme, prendre en compte : 

  1. La nécessité de réintégrer les journalistes dans le processus de nomination des membres de la Haute Autorité de la communication (HAC), l’organe de régulation des médias gabonais, aujourd’hui uniquement entre les mains du président de la République et des présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale ; 
  2. La nécessité de décisions collégiales de la HAC, afin d’éviter l’usage abusif du pouvoir actuellement octroyé à son président de sanctionner un média sans réunir tous les membres de l’organe de régulation ;
  3. La nécessité de sensibiliser les autorités judiciaires et les forces de l’ordre sur le code de la communication, pour garantir que la fin des peines privatives de liberté pour des délits de presse prévue par ce code soit effectivement respectée, et que les journalistes ne puissent plus faire abusivement l'objet de convocations au commissariat ;
  4. La nécessité de renforcer le soutien financier transparent et impartial aux entreprises de presse publiques et privées.

Le Gabon occupe la 94e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.

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